Photographe : Chloé Houyoux

R.W. (deuxième dialogue)

R.W. 

R pour Robert et W pour Walser…

Pourquoi tenter de rencontrer Walser sur un plateau de théâtre ?

L’œuvre est singulière, elle nous emmène dans des zones où peu d’auteurs nous conduisent… une œuvre qui ne cesse de parler du bonheur, de la beauté du monde, du sublime…mais où derrière les situations, les propos et les actes des personnages se cache un autre récit, qui dit la difficulté à être au monde et à demeurer du côté des vivants.

Il y a l’ambition de l’œuvre, son radicalisme (dans une douceur extrême) au travers d’une forme totalement inédite, loin de toute surenchère tragique ou expressionniste.

Il y a cette écriture si anachronique pour l’époque (le début du XX), proche parfois du conte, et qui cultive le beau, le sublime et l’innocence comme aucune œuvre littéraire du XX n’aura tenté de le faire.

Il y a la théâtralité des figures walsérienne, l’univers bucolique, enchanté, décalé, drôle, tendre et aussi infiniment triste dans lequel les personnages évoluent.  On ne peut s’empêcher de penser à Kafka (qui était un grand admirateur de Walser) et avec qui nous pouvons trouver de nombreuses attaches.

Il y a enfin le destin de l’auteur qui n’est pas sans rappeler certains de ses grands prédécesseurs ; Hölderlin et Kleist. Un même déracinement, l’errance, l’incompréhension de ses contemporains, la souffrance et la folie… Walser passe les 20 dernières années de sa vie dans un asile et son internement signe la fin de son œuvre et sa disparition sociale et artistique.

Dans un certain sens, nous sommes tous meurtris, nous ne faisons que nous habituer à passer outre cette réalité trop délicate, qui au quotidien ne peut être tolérée et qui, par conséquent, ne doit pas exister.

Robert Walser

R.W. (deuxième dialogue)

Dans cette deuxième partie, nous quittons l’intimité de la maison de carton et nous gagnons le grand monde et la multiplication des rencontres, des situations, des lieux.

R.W. deuxième dialogue est un voyage, un voyage initiatique.

La ville c’est la fragmentation et la multiplication des lieux et le territoire des rencontres éphémères… on y cherche du travail, on va voir un banquier, un précepteur d’impôts, on compte fleurettes… on tente l’exercice du travail…on tente finalement de faire comme tout le monde sans jamais y parvenir .

A l’espace de la ville succède le grand tout…la campagne, la nature, le ciel bleu.

L’errance sans objet, la contemplation et la sublimation des choses vues et croisées.  Un monde ouvert dans lequel on plonge, on se perd…

Et les apparitions deviennent étranges et fantasques… jusqu’à la rencontre de la dame de la forêt.  Plus loin la neige tombe, comme une invitation au sommeil final.

Pascal Crochet

« L’envie lui prenant de faire une promenade, il mit son chapeau sur sa tête et quitta le cabinet de travail ou de fantasmagorie pour dévaler l’escalier et se précipiter dans la rue.
Comme c’est bien, pensa-t-il, de marcher parmi la foule, d’être quelquefois dépassé par ceux qui ont de longues jambes et d’en dépasser à son tour d’autres qui marchent comme avec des semelles de plomb. Comme on pense et comme on sent vite quand on marche.  Simplement, il ne faut pas regarder le ciel.  Plutôt simplement sentir vaguement qu’il y a quelque chose là-haut, au-dessus des têtes et des maisons, une chose qui flotte, qui est peut-être bleue et qui en tout cas sens bon. »
 
« Durant sa promenade, il rencontra des hommes, des femmes, des enfants, des voitures de tramway, un troupeau de vaches au pelage pâle joliment tacheté et moucheté, des paysans sur des charrettes (…) deux ou trois splendides cochons et de nombreuses boutiques en « rie » : papete…, bouche…, horloge…, cordonne…, chapelle…, quincaille…, drape…, épice…, bonnete…, merce…, boulange…et pâtisserie.  Et partout, sur toutes les choses, le doux soleil. »
 
« Il était une fois un homme bizarre.  Ce qu’il voulait, il ne le savait pas au juste. Il ne voulait pas grand chose, mais il voulait quelque chose de juste.  Que cherchait-il ?  Il ne cherchait pas grand chose, mais il cherchait quelque chose de juste.  Perdu dans le vaste monde, voilà ce qu’il était. Perdu !  Mais où va-t-on avec ce pauvre homme ? Au néant, au grand Tout, ou quoi encore ?  Angoissante question ! »
 
« Toute la nature s’offre.  Des clairières, on contemple le ciel blanc bourré de rêves et qui semble vouloir descendre sur la terre avec des chants de réjouissance, de jubilation, pareils à ceux des oiseaux, les petits oiseaux qu’on ne voit jamais et qui sont naturellement chez eux dans la nature.  On se prend à avoir des souvenirs qu’on a pas envie d’examiner, on en est du reste incapable, ils font tellement souffrir mais on est trop paresseux pour souffrir vraiment.  On marche, on s’arrête, on se retourne de tous les côtés, on regarde au loin là-haut et plus haut, en bas, là-bas et par terre et on est finalement épuisé de toute cette éclosion.
Le bourdonnement de la forêt n’est pas le même que celui des clairières, c’est une autre chose qui réclame une autre disposition à rêver.  Il y a sans cesse de nouvelles occasions de lutter, de ne pas se laisser faire, de refuser doucement, de se demander et de balancer.  le balancement est partout, l’effort suivi de la défaillance.
Mais c’est bien ainsi, tout simplement bien, un peu trop et parfois un peu juste, et parfois pas très franc, parfois rusé, parfois rien du tout, parfois complètement idiot ; à la fin cela devient très difficile de trouver encore quelque chose de particulièrement beau, on ne voit plus le motif, il suffit d’être là, de marcher, de flâner, rêver, courir, perdre son temps, on est soi-même devenu un morceau de printemps. »
 
Robert Walser

« Après « R.W. (premier dialogue) », on attendait avec impatience le « Deuxième dialogue ».
C’est avec délice que l’on replonge dans cette atmosphère si singulièrement onirique et que l’on retrouve cet art de ‘auteur, Robert Walser, de magnifier nos vies quotidiennes tout en maintenant fermement une lucidité tranchante sur notre société.  Société inattentive, morne, gaveuse, aux liens distendus, épinglée ici avec une poésie sans limites… Une grâce qui affleure des lumières tout en économie et en délicatesse de Florence Richard.  Elles se fondent, en parfaite symbiose, avec la mise en scène de Pascal Crochet et la scénographie de Satu Peltoniemi, remarquables d’inventivité, de finesse et d’intelligence.  « R.W. » est de ces rares pièces qui se fraient une place dans les souvenirs. (…) Quels mots encore ?  Puisque c’est simplement beau.
 
Cécile Berthaud / L’écho 

 

« Tout n’est ici que légèreté de touche, glissements imperceptibles, déploiements chorégraphiés dans une superbe maîtrise et du corps et de l’espace.  Il y a du clown lunaire, du Chaplin dans les mouvements, les regards, le sourire, le chapeau, le déhanchement, qui passe, fugace…  L’imaginaire s’envole, rien ne le bride. (…)  Chacun peut y glaner à son gré des échos picturaux, sonores, cinématographiques.  Rien ne pose, mais tout fait sens, à la manière de Walser, pointilliste, naïve, paradoxale, avec humour, avec mélancolie…(…).  Il y a dans ce spectacle, une obscure clarté, ou une obscurité claire…comme le dit RW. (…) Un des plus beaux spectacles de ce début d’automne. »
 
Michèle Friche / La Libre Belgique 

 

« Le vrai sublime cette semaine nous vient du Rideau de Bruxelles et du deuxième volet d’une œuvre intimiste du romancier suisse Robert Walser, adapté avec un bonheur total par Pascal Crochet. (…),C’est difficile de décrire la subtilité de ce spectacle.  On ne peut que saluer la perfection et du jeux et de la technique. (…)
Ici, la création collective prend tout son sens et il se dégage de l’ensemble une jolie harmonie, un chant d’hommage de la fragilité humaine, source inépuisable de découverte et de soi et du monde.  A voir d’urgence. »
 
Christian Jade / RTBF 

 

« Des panneaux de cartons que les acteurs font voyager sur la scène, des lumières qui recréent la ville, la rue, la forêt, des costumes qui font parler les corps, des comédiens d’une légèreté et d’une précision inouïe : la seconde incursion de Pascal Crochet dans l’univers de Robert Walser, entre humour et mélancolie dans son rapport au monde, à la nature, plus dense encore que le premier dialogue, est une œuvre scénique poétique de toute beauté. »
 
Michel Friche / Le Soir

Création en octobre 2010

Distribution

Conception & mise en scène
Pascal Crochet


Assistanat à la mise en scène
Roxane Lefebvre


Jeu
Anna Cervinka
François Delcambre
Cécile Leburton
Thierry Lefèvre
Etienne Vanderbelen
Simon Wauters

Scénographie
Satu Peltoniemi

Assistanat scénographie
Alicia Jeannin


Création lumières
Florence Richard

Costumes
Laurence Hermant


Création sonore
Raymond Delepierre
Pascal Crochet

Production

Rideau de Bruxelles avec le soutien du Centre des Arts Scéniques